Hier, à l’épicerie. Une vendeuse soulève une interrogation qui intéresse aussitôt ses collègues inoccupé·es vers la fin de leur service, chacun·e patientant derrière une caisse. Si, imagine-t-elle, si depuis la Création aucun humain ne s’était jamais lavé, quelle odeur sentirions-nous et pourrions-nous supporter cette odeur? Et les collègues de donner leur avis, arguant de l’habitude qui efface toute mauvaise odeur pour celleux qui baignent en permanence dedans. Personne ne lui rétorque que chacun·e ne peut accumuler la crasse que depuis sa naissance, qu’elle n’est pas a priori héréditaire. J’aime assez cette idée d’une crasse corporelle, avec odeur associée, qui se transmettrait de génération en génération, depuis l’origine de l’humanité, de même que les traumas passent des un·es aux autres, sautant parfois une génération, semblant s’apaiser mais surgissant à nouveau dans l’esprit d’un·e descendant·e plus ou moins lointain·e. Quelle odeur avait la crasse préhistorique, et celle, célèbre, de l’époque de Louis XIV? Qu’obtiendrait-on en superposant les odeurs particulières à chaque période? Pourrions-nous, en effet, supporter la concrétion des miasmes inscrite à l’ADN des humain·es et qui suinterait par les pores de la peau? Nous trouverions certainement ce fumet délicieux, n’est-ce pas?
