Au Ciel

Ici, pas de plan large; le bocal de l’écrivaine ne se prête pas au panoramique. Le Ciel de Royan est spacieux, mais la concentration rapetisse l’espace. Il me faut des murs pour écrire et j’accepte que leurs couleurs soient franches, qu’elles secouent la torpeur du crépuscule, mon goût noir. Solitude oui, peuplée de mes petits amis, l’oiseau de feu, l’oiseau de plumes, et d’objets curieux qui me rappellent sinon mon exil du moins mon déplacement dans un tout autre décor. Et pourquoi? L’écriture. Dans un espace qui évoque partout les vacances en famille. En résidence je me trouve seule avec moi-même, jamais dérangée, expérience rare qui me demande une phase d’adaptation. Pour me prouver que je suis un peu plus que dix doigts sur un clavier : des piments qui réveillent, quelques selfies m’assurent qu’il y a quelqu’un dans le miroir. Je tiens le plus régulièrement possible un journal d’écriture, je me fabrique une routine pour ne pas que le temps se disloque et file comme l’eau entre les doigts. Les autres utilisatrices des lieux ont un emploi du temps, des horaires, qui scandent ma journée par leur va-et-vient. Je crois qu’après plus de vingt ans d’enseignement, des journées divisées en périodes de cinquante minutes séparées par une sonnerie stridente, je ressens l’angoisse d’un écoulement du temps hors d’une grille conçue par d’autres. Je me souviens qu’un petit cousin, enfant, avait représenté les membres de la famille sous la forme, chacun, d’un objet symbolique. Pour moi: une montre.

Thème : Overlay par Kaira.