Hier à Pantin, des élèves de CAP, des filles sauf un, muettes de m’avoir soudain en face d’elle avec ma pile de livres et ma proposition d’écriture. Elles n’étaient pas averties. Timides, gênées. À l’écoute. Alors, le voyage, voyager ? Elles pensent aussitôt vacances, avion, plage, soirées dansantes et jet ski dont elles rêvent. Nous poussons plus loin dans l’espace immense que ce mot ouvre. Il faut écailler le vernis des loisirs tarifés dont le capitalisme nous inculque le désir vain. Elles écrivent des mots qui s’égouttent, rares d’abord, puis en flot plus fourni. Apparaissent les arbres à pain, les dromadaires, les petits iguanes, les palmes, les parfums d’épices et beaucoup de sable chaud. Au-delà des stéréotypes surgissent les souvenirs. L’une dit: voyager c’est s’entrelier. J’aime cette idée, évidemment. S’entrelier. N’est-ce pas ce qui nous arrive, ce que nous faisons autour de cette table, nous autres qui ne nous connaissions pas il y a une heure? Le voyage il est ici aussi, à Pantin. Et tandis que d’autres partout s’entredévorent au mépris des vivant·es, avec nos mots murmurés et nos regards qui glissent, nous nous entrelions.
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