À Chaulnes dans la Somme, sur la place de la mairie, le monument aux morts est fraîchement repeint. Un poilu se meurt, allongé, une main rosâtre crispée sur la poitrine. Il porte une capote du même bleu cyan que le voile entourant les épaules et la tête de la vierge républicaine debout derrière lui, qui lui tend les lauriers du sacrifice et de l’immortalité. Avoir lu beaucoup sur l’histoire de Royan, m’a rendue sensible aux traumatismes des villes qui sont comme des êtres de chair et de sang, criant leur douleur, toujours, plus d’un siècle après les violences. Entre Royan et Chaulnes, peu de similitudes, sinon ceci qu’elles ont été occupées, bombardées et détruites dans une guerre au XXe siècle. À Chaulnes, se ressent dès l’entrée dans la ville, comme une vibration infime mais permanente, ce passé qui ne passe pas, entre les maisons de briques, les routes nationales, les champs labourés, les fermes éoliennes. Les garçons du collège ont le visage de leurs anciens, de ce poilu du monument, enfant des travailleurs de la terre et de cette république qui les aide peu mais les envoie mourrir quand ça l’arrange. Contre une palme posthume, un peu de bleu cyan.
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