Ouigo Bordeaux-Paris, hier soir. Six jeunes hommes s’installent dans le wagon aux places pour quatre; immédiatement ils couvrent la tablette de cannettes de bière et de bouteilles de vin. Bière à 11° précise l’un en ouvrant la première. Ils mangent pâté, chips et foie gras, boivent, parlent et plaisantent comme ils le feraient chez eux. L’un raconte qu’il a un BTS, l’autre que sa mère est professeure de gestion, le troisième que ses parents ont une maison sur la côte qu’il suffit de louer l’été pour vivre sans travailler une partie de l’hiver. Assez vite le taux d’alcoolémie monte avec le niveau sonore. Au bout d’un long moment la contrôleuse passe et leur enjoint de “baisser d’un ton”, sans rien dire sur les quinze canettes d’un demi litre et les deux bouteilles vides. Ils ne sont bien évidemment plus en mesure de se calmer et sortent l’alcool fort, rhum et armagnac. Une voyageuse leur demande le silence, par respect. Ils lèvent les yeux au ciel. La contrôleuse revient une heure plus tard les menace d’une amende s’ils ne font pas moins de bruit parce qu’ils doivent comprendre “qu’on est pas tous d’humeur à s’enjailler”. Une grosse demie-heure de trajet, encore, les gars sont à trois grammes d’alcool, leur regard est flou. Hommes blancs, sportifs, costauds, joyeux lurons qui lancent des propos sexistes et homophobes suffisamment retenus pour que ça passe dans le brouhaha général et dont chacun sait qu’ils pourraient vite passer à autre chose qu’à des moqueries si l’on venait les chercher d’un peu trop près. Ils imitent en les ridiculisant leurs grands-parents qui s’effraient de Trump. Eux n’ont pas peur de Trump, mais, après s’être excusés en riant pour le dérangement, roulent sur le quai en sortant du train. Se relèvent, gueulent des chansons qui résonnent dans la gare.

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