Métro, 18 heures, les gens parlent boulot. Deux hommes, je comprends qu’il s’agit de cadres d’une association, secteur du social. J’entends des chiffres de suppression de subventions, des chiffes alarmants, comptés en centaines de milliers d’euros. L’état, la région, le département, le budget s’amincit brutalement. Mais ces hommes ne sont pas en colère, ne s’indignent pas, ils se racontent tranquillement comment ils font avec, comment ils essaient de récupérer un peu d’argent ici où là, comment ils réduisent les dépenses ce qui passe par une reconfiguration des équipes. L’un se félicite d’accompagner les salarié·es dans la douceur, vers quoi? Un autre poste dans un autre service, le chômage, la reconversion. On voit que le gouvernement a encore de la marge, il n’a pas encore tapé dans l’os, il reste un peu de graisse avant de toucher les cadres, avant d’inciser dans l’obéissance satisfaite des cadres, de grignoter si méchamment leur confort qu’ils ne pourront plus ne pas réagir, pour se défendre eux-mêmes. Quand l’un évoque une salarié·es qui incite les autres à la contestation, à la grève, elle dit c’est vos emplois qui sont en jeu, les deux hommes soupirent… Le premier reprend : elle leur dit ça, avec son autoritarisme de kapo… Ce sont eux, évidemment, les kapos, mais ils continuent à se féliciter de leur douceur, de leur humanité. Fascisme ordinaire.
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