Atelier d’écriture dans un lycée de banlieue parisienne. Classe de seconde, section professionnelle. Iels sont 15, une légère majorité de filles. Leur rapport à l’écrit est dans l’ensemble distant, fait d’une certaine méfiance et d’un gros manque de confiance en elleux. Nous lisons Jacques Prévert, Diaty Diallo, Fatima Daas, aujourd’hui nous lirons Patrice Luchet. Ils et elles écrivent, au fil des exercices se rassurent, se lancent dans une pratique qu’iels ne pratiquent jamais, l’écriture, se disent à demi-mots (les filles) ou s’imaginent une vie rocambolesque (les garçons). Ce qu’iels étudient au lycée les conduira aux métiers de la propreté, de l’hygiène et de la stérilisation. Grâce à leur travail, nous aurons des locaux propres, désinfectés: bureaux, bâtiments publics, écoles, laboratoires, cantines, hôpitaux… Il y a cinq ans, pendant la période folle des début de l’épidémie de COVID, quand les malades mouraient en nombre sans que l’on sache vraiment comment endiguer l’hécatombe, ces professionnel·les de l’hygiène, de la stérilisation des blocs opératoires, de la gestion des déchets d’activités de soins, étaient en première ligne des premières lignes. Tandis que nous étions confiné·es, iels enchaînaient les heures de travail directement au contact du virus, quasi sans protection. Qui se souvient des engagements du président à ne pas les oublier, ces invisibles essentiels? En tout cas, pas lui. Parmi ces adolescent·es, je ne sais pas qui est français·e qui ne l’est pas, qui a ses papiers ou non. Je m’en contrefiche bien entendu, car qui se soucie de ces détails sinon ces politicards véreux se faisant une carrière sur le dos des étrangers, excitant les passions mauvaises des Français·es dépouillé·es de tout et qui n’ont plus que leur fichue carte d’identité et leur couleur de peau pour se forger une minable fierté. Ce que je sais cependant, parce que c’est visible, c’est que ces jeunes sont racisé·es. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que, dans ce pays où le racisme est de tradition et se dit aujourd’hui sans filtre, où la police contrôle, interpelle et tue parfois les jeunes hommes racisés, où le fait d’être musulmane est un obstacle à l’embauche, où le gouvernement creuse le sillon de la xénophobie d’état, ils et elles sont en danger.
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