J’écoute des podcasts sur l’édition. Hier, c’était André Schiffrin, dans deux émissions datant de près d’une quinzaine d’années. Les constats du vieil éditeur, fils d’éditeur, à propos des bouleversements éditoriaux dûs à l’impératif de rentabilité posé par les financiers sur une économie traditionnellement peu bénéficiaire, les maisons d’édition devenues produits d’une spéculation par l’achat et revente à profit, la mainmise des holdings sur la totalité de ce secteur qui vivait, au moins pour une part, en marge, et ses effets sur la qualité des livres, l’uniformisation des contenus, l’abandon des textes rares (des traductions aux États-Unis), la focalisation sur les best-sellers, l’ensemble de cette analyse s’est révélée parfaitement exacte, ce qui se jouait au tournant du siècle aux États-Unis s’étant mondialisé. Mais les solutions proposées par Schiffrin, sur le modèle du prix unique du livre défendu par Jérôme Lindon et inscrit dans la loi Lang, s’appuient encore sur l’idée d’un état régulateur, soucieux de l’intérêt commun, de la diffusion de productions intellectuelles et d’expérimentations par définition non rentables, ayant une vision du livre autre que celle des multinationales. Hélas, cette ancienne conception de l’état s’effondre comme falaises rongées par la montée des eaux, les gouvernements néolibéraux successifs ayant livré l’état lui-même à la prédation des holdings.
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