Cette nuit, relues quelques pages de Charlotte Delbo. Ce “voyage” en train, incroyable, entre Auschwitz et Ravensbrück, le transfert de Delbo et sept camarades déportées, escortées par des SS bêtes et mollassons, qui fument. Regards fuyants des civils que croisent ces huit femmes maigres en vêtements de détenues et leurs gardiens paumés dans le métro berlinois. Françaises, elles ont appris par coeur une phrase en allemand: elles sont des prisonnières politiques, pas des criminelles. Leur aspect fait peur aux enfants. Autorisées à aller aux toilettes, elles auraient pu se changer et fuir, s’évader parmi la foule de la gare, dans Berlin en ruines; la situation est trop imprévue pour qu’elles improvisent. La ville est détruite. “Ç’aurait été vraiment trop nous demander que nous demander de nous attendrir sur les enfants qui gisaient sans doute sous les décombres. Nous n’avions de pitié que pour les enfants d’Auschwitz. Ils nous avaient endurcies pour les autres.” Endurcir, voilà ce que produisent les guerres imbéciles, les crimes de guerre, les génocides. Endurcir. Une partie de soi devient pierre et ce soi-pierre on le transmet- sur combien de générations?

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