Entre autres, je tente d’écrire sur l’enfance. Pas une autobiographie – mais comment y échapper ? Un ensemble de textes assez brefs, des tableaux en mouvement placés sous un regard d’enfant ou, plutôt, crées par un regard d’enfant. On voit comment ce projet est à la fois banal et raté d’avance. Je m’y accroche toutefois pour l’hiver. Un regard d’enfant, voici la pierre sur laquelle trébucher. Je me suis longtemps obstinée à chercher au fond du sac ce fameux regard d’enfant que nous sommes censées perdre l’âge venant et qu’il nous faudrait retrouver pour un regain de fraîcheur. J’en viens à ce constat affligeant, je n’ai jamais perdu mon regard d’enfant. Si les autres peuvent se targuer d’une multiplicité de “moi” constituant leur identité mouvante, je regrette mon étonnante et minérale stabilité. Alors non, pas de mignarde innocence ni de désarmante naïveté mais depuis toujours ce regard assez sombre, angoissé, sans illusion, porté sur le monde. Mon regard d’enfant n’a connu pour tout changement que l’épaississement d’un demi-siècle, un surcroît de coriacité, s’est enrobé d’une corne qu’il me faut limer par l’écriture.
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