Ça m’a permis de l’avoir pour moins cher, ce livre quasi neuf et d’occasion, rescapé d’un désherbage. Mais l’ouvrant à la page de titre, à chaque fois le même malaise devant ce mot PILON, tamponné. C’est le destin du livre moderne, finir pilonné, très vite. Tant de publications, si peu de place sur les rayonnages des médiathèques. Si ça ne sort pas, ça n’intéresse pas l’usager, alors dehors! Acheté quand c’était la mode, mais l’attention du public est volatile, happée par bien d’autres sujets. Pourtant, il n’y en a pas tant que ça des livres sur les artistes roms, sur le génocide des Tsiganes. Qui a peint l’Auschwitz tsigane si ce n’est Ceija Stojka? 1,7 centimètres libérés sur l’étagère valent-ils l’effacement d’une mémoire déjà si fragile? C’est l’hiver aux soirées longues, on s’apprête à fermer la médiathèque, une main se tend, hâtive car il faut y aller, une main attrape le livre au hasard, découvre les peintures de Ceija Stojka: une vie vient de changer. Les médiathèques ne sont pas là pour changer des vies mais satisfaire les demandes du public. Moi, devant ce mot PILON tamponné sur la page de titre, je ne peux m’empêcher de voir le beau portrait de Ceija, sa photographie, avec tatoué sur le bras Z 6399.
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