Ce vide qui est plein: l’angoisse. Vide, parce que l’attente est une paroi lisse, on ne peut s’accrocher à rien sinon à cette certitude qu’elle cessera; le téléphone sonnera, un message s’affichera, j’entendrai sa clé dans la serrure, il ouvrira notre porte, le fils enfin revenu de sa nuit. Des gens disparaissent, on ne les retrouve jamais, ils s’évaporent mais c’est rare. La certitude que l’attente prendra fin mais sur quoi ouvrira-t-elle? Le fils allait mieux, c’est une rechute. Je m’y attendais, accoutumée au temps long de la maladie, le miracle je n’y crois plus quand je l’espère encore. Allonger les périodes d’aller mieux, raccourcir les rechutes, c’est lentement sortir du gouffre. Ce grand vide du je ne sais pas où il est dans la nuit, dans la ville, dans le froid, se remplit de mes imaginations. Ces images qui répètent le déjà vécu, les pompiers, les salles d’attente aux urgences, l’hôpital de secteur, un autre peut-être, je revois en pensée le box de déchocage où on l’a une fois attaché. La police, la garde à vue sans surveillance médicale. Le fils inconscient sur le trottoir et les autres images que l’angoisse fabrique en chapelet, de plus en plus terribles quand elle s’attarde, une bagarre, un accident, le dépassement de la dose létale d’alcool. Le corps torsade à l’intérieur sous l’apparence du calme, le cerveau pense aux mères dans le monde dont le fils est en danger, sous les bombes, dans les mauvais bateaux d’une mauvaise traversée, à la guerre, ce n’est pas relativiser, c’est recourir au soutien mental de la sororité. Ça dure huit heures. L’angoisse encore dans la lecture du message reçu puis un soupir, il est retrouvé, vivant.

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Thème : Overlay par Kaira.