Une élève affirme que leur prof de philo leur a déconseillé de citer des oeuvres artistiques dans la dissertation, parce que l’interprétation de ces oeuvres prête à confusion, contresens, erreurs, et que faute de renseignements précis sur ce que l’artiste à voulu dire, mieux vaut éviter de se lancer. J’accorde au prof de philo le bénéfice du doute. Mais que cette élève éprouve une telle méfiance vis-à-vis de la peinture, par exemple, qu’elle connait mal évidemment, voire pas du tout pourtant c’est une jeune fille intelligente, sérieuse, qui se pose des questions, m’a troublée. Je plaide la polysémie des oeuvres, les émotions diverses, le travail d’interprétation du côté spectateurs, et je prétends que si le peintre s’exprime par image c’est un choix qui n’est pas le même que celui d’écrire un discours. Hélas, j’oublie complètement qu’à l’artiste aujourd’hui on demande de beaux discours, qu’il n’y a plus d’oeuvre non accompagnée d’un argumentaire si développé qu’il prend le pas sur la production artistique elle-même, qu’il en fait inextricablement partie. Je date. Mais ce qui m’a agacée, c’est encore une fois ces freins que met l’école à la pensée libre, indépendante qu’elle devrait cultiver dans les jeunes esprits, cette réduction de la philosophie à un exercice rhétorique où l’on joue avec les noms de philosophes comme avec des billes qu’il faut loger dans les bonnes cases, la philo comme discipline disciplinaire. C’est qu’il s’agit non pas d’apprendre quoi que ce soit, surtout pas à penser, mais de se constituer un dossier solide pour Parcoursup. Partout des murs, de rares portes étroites, jamais de fenêtres. De l’air!

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