Parmi les élèves inscritEs à la semaine de révision afin de soulager un peu l’angoisse de leurs parents, une jeune fille a déjà préparé sa lettre dite de motivation pour son stage de troisième. Elle me la fait lire. C’est une belle lettre pleine d’enthousiasme sincère pour les sciences politiques, d’intérêt non feint pour le fonctionnement des institutions avec le désir vrai de contribuer aux débats publics, à la démocratie républicaine. La jeune fille est droite, hypersensible, modeste voire timide, dans l’inquiétude permanente de n’avoir pas assez bien fait, de s’être trompée, d’être en-dessous du niveau d’exigence qu’elle s’est elle-même fixé. Quand, avec l’intention de leur faire travailler l’argumentation, je lance le thème du bannissement des téléphones portables au collège, le petit groupe s’enflamme mais elle reste impassible et finit par murmurer qu’il y a, aujourd’hui, de plus graves sujets de préoccupation. J’espère qu’elle obtiendra son stage à l’Assemblée Nationale. J’espère qu’elle comprendra sans trop de souffrance que dans ce milieu de loups et de louves sa place sera celle de la proie, j’espère qu’elle prendra ses jambes à son cou. Je me souviens que le fils, au même âge, avait des ambitions semblables, se rendre utile à l’intérêt général par le biais de la politique, c’est ainsi qu’il avait orienté sa lettre de motivation pour l’entrée à sciences po où il a été refusé. Quelques années plus tard, il étudie la philosophie. Spinoza n’est jamais décevant.
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