C’est que je suis plongée dans la biographie de Virginia Woolf, par Hermione Lee. Je lis en parallèle le Proust est une fiction de François Bon. J’écoute un podcast sur Kafka. J’habite donc, une partie de la journée, au début du XXe siècle. À la grande époque des empires. Hier soir, les méandres des familles Stephen et alliées. Les diverses tantes ou oncles, cousinEs, excentriques, malades, hommes de pouvoir austères et femmes que le patriarcat use et rend dingues. On se distrait autour du thé en racontant les anecdotes familiales, on s’amuse à tirer des constantes génétiques de traits de caractère, et Virginia regrette-déteste, la période victorienne, celle de ses parents, les années 1860 où la vie des familles aisées était plus douce encore. Evidemment cette douceur de vivre reposait sur le colonialisme. Aux Indes, on y était alcoolique mais riche. En Algérie aussi. L’histoire n’est pas qu’une science rigoureuse, seulement intellectuelle, extérieure, l’histoire nous est incorporée, chaque fibre de notre corps est viciée par l’histoire du capitalisme, par le colonialisme qui a rendu possible son empire absolu. Ces traces héritées du colonialisme criminel, nous devrions consacrer toutes nos forces à les extirper de notre être occidental, blanc. Pas juste une question morale, mais un impératif pour se rendre capable, enfin, d’en sortir et d’inventer du nouveau, surtout du meilleur.
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