Retour ici, après deux semaines de reprise intensive du manuscrit. On cite souvent, de Virginia Woolf, cette “chambre à soi” indispensable pour une femme qui veut écrire, mais on rappelle un peu moins cette seconde nécessité, l’écrivaine a besoin “d’argent et d’une chambre à soi”. L’écriture occupe totalement, et il est un peu fou d’aller gagner trois sous après cinq ou six heures de travail sur le texte en cours, sans oublier les obligations domestiques. C’est pourtant le lot commun. Ce roman qui paraîtra fin janvier, je n’aurais pas pu l’écrire si je ne m’étais pas dégagée de mon emploi de prof titulaire, donc si, en plus des petits boulots, je n’avais pas eu de soutien familial. Tout le monde n’a pas cette chance. Est-ce que la situation économique des auteurices s’est dégradée ces dernières années? Sans doute. Voici la rentrée littéraire, et les productions des majors de l’édition au taquet sur la ligne de départ comme autant de petits chevaux. On titre sur le nombre de ventes la première semaine, qui de l’une ou de l’autre est au top. Le supermarché est le seul critique littéraire qu’on écoute. Ça n’aurait aucune importance si une place était laissée aussi aux autres, que nous puissions nous aussi travailler; mais le capitaliste aspire toute la marchandise à lui et ne connaît que les bénéfices à plusieurs zéros. Heureusement qu’il y a les réseaux parallèles, les sentiers de traverse et les petits chemins d’amitiés qu’on emprunte, le coeur léger, au milieu de la jungle.
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