Sur les marchés où nous présentons les livres du Ver à Soie, pas n’importe quels livres, pas des occasions, pas des fabriqués industriellement, mais des livres neufs soigneusement édités, assemblés à la main, imprimés sur de beaux papiers mettant en valeur les illustrations, du travail d’évidence bien fait, des objets à toucher – et les doigts se portent sur les couvertures ou bien n’osent pas de peur d’abîmer, il faut encourager à saisir, ouvrir, palper, et les nez hument les pages – sur ces marchés des villes, au milieu des autres commerçants, ce qui arrête les acheteurs, les acheteuses, iels le disent, c’est l’authenticité. Dans cet espace restreint du stand, trois mètres sur deux, nous parlons à celles et ceux qui s’arrêtent devant l’étal, à cinquante centimètres à peine, en face-à-face dans une grande proximité. L’éditrice raconte son métier, son entreprise, je parle de mes textes, de mon écriture. Pas de place ici pour le mensonge, et nous recueillons quelquefois en retour la confidence d’une tragédie personnelle, d’une souffrance murmurée. Les livres ne sont pas si chers, souvent l’une et l’autre nous quittent, un volume ou plusieurs entre les bras, et c’est finalement moins un objet ou un texte qu’iels emportent, que la preuve tangible qu’il est encore possible d’échanger des paroles vraies. J’ai vu des enfants s’éloigner du stand puis revenir, tourner autour, serrant toujours contre eux la pochette contenant le livre, s’y accrocher comme à une bouée.
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