Hier, discussion avec une amie travailleuse sociale dans une association dont une partie de la mission consiste à se rendre sur les bidonvilles pour établir les diagnostics sociaux et concevoir des stratégies d’accompagnement vers le logement pour les familles qui y vivent. Elle m’explique que, depuis des mois, ce travail qui prend du temps, de l’énergie et pompe de l’argent public se trouve balayé soit par un maire, soit par un préfet, qui ne tiennent aucun compte des résultats de l’étude mais expulsent. Faire semblant d’agir dans les règles, utiliser les associations à fin de vitrine humanitaire en tordant le bilan établi pour expulser puisque l’obsession est d’expulser: opération place nette comme on dit à l’Intérieur. À la fin d’une réunion avec une préfecture, un adjoint au maire rit (jaune) et lui demande, alors qu’est-ce que ça fait de comprendre qu’on a travaillé pour rien? Le cynisme qui se veut humoristique est symptôme du découragement général. On n’a plus prise sur rien face au pouvoir autoritaire de l’un ou l’autre selon le contexte local. Nous restent les mauvaises blagues pour ne pas sombrer dans le désespoir. Quand aux personnes concernées, elles seront dispersées, poussées plus loin, elles devront se cacher mieux. Mon amie et moi avons lu le même article, qui parle de la lutte du gouvernement contre les habitats légers. Dans cet article, la journaliste mentionne l’utilisation des satellites pour repérer les yourtes et autres cabanes considérées indésirables. On se dit que les familles roms qui se réfugient toujours plus loin des regards (et donc des secours éventuels), pourraient être repérées par les satellites de la police. Le vertige qui nous prend est d’autant plus fort que nous sommes en terrasse, sous un soleil de plomb, au milieu des buveurs et des buveuses de fin d’après-midi qui profitent avec insouciance des premiers beaux jours.
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