Étrange impression, débarquant dans Vincennes au sortir de la messe. L’Église déversait sur le parvis une flopée d’enfants en uniforme, jambes nues et bérets marine. Scouts catholiques qui s’égayaient parmi les adultes et leur curé, mitre et chasuble, penché vers l’ado à qui il parlait. Les parents, trentenaires satisfaits, s’attardaient à bavarder par petits groupes. Flottaient bannières à croix potencée, fleur de lys. C’était hier, c’était il y a cent ans dans une bonne ville de province. Il n’y a pas si longtemps, nous aurions regardé d’un oeil amusé cette scène assez ridicule. Plus maintenant. Le séparatisme que le pouvoir incrimine ici, se renforce là en toute sérénité. Ce désir fou de reculer dans le temps, d’imposer des principes dangereux parce qu’exclusifs, l’entre-soi le permet. Vincennes a toujours été bourgeois bien pensant me dit une amie rencontrée pas loin. Certes, mais en deux décennies on a monté d’un cran. La petite mixité sociale qui subsistait n’existe plus. La semaine, des domestiques racisées s’occupent des enfants, rentrent chez elles le soir, loin, en banlieue. Ce pays ressemble de plus en plus à ce que je peux m’imaginer d’un pays d’Amérique latine sous régime autoritaire. El pueblo unido jamás será vencido. Une chanson ne suffira pas, mais quoi?.