À ceux et celles, gens ordinaires, gens des pouvoirs publics, agents des préfectures, scribouillards de médias, qui contribuez à entretenir le préjugé selon lequel les Rroms ne travaillent pas, allez donc rendre visite (s’iels l’acceptent) à un groupe de familles rroms, en pleine semaine, un début d’après-midi. Nous avions pourtant annoncé notre venue samedi, mais de samedi à mardi il y a loin et surtout, chez ces personnes que nous connaissons depuis si longtemps, on ne voudrait pas attrister les gadji en leur disant frontalement que ça ne sera pas possible. Pas possible de venir voir l’exposition de leurs photos de 2016-2018, faites par Gilles pendant cette période de vie à la rue. Samedi nous leur expliquons, iels ne se montrent pas toustes intéresséEs, mais plusieurs oui. Nous reviendrons les chercher mardi pour aller ensemble à l’expo, c’est d’accord. En arrivant sur le terrain mardi, début d’après-midi, je croise une mère qui conduit une petite troupe d’enfants à l’école. Puis c’est un ballet de camionnettes qui sortent du terrain, en partance pour le travail. Sur place, de caravanes en cabanes, c’est l’effervescence. Demain (aujourd’hui) c’est le jour des biffins, ce marché aux puces officiel de Montreuil. Chacun, chacune s’active à préparer la marchandise, trier, nettoyer, s’organiser. Il est évidemment hors de question d’aller lambiner dans une expo. Seule une ado n’a pas oublié notre proposition et aimerait voir les photos de quand elle était petite. Ça ne sera pas possible. Mais Gilles pourrait lui faire quelques tirages, mais nous pourrions revenir sur le terrain un jour plus calme et projeter les photos, il y a des solutions, nous verrons. Je sors du terrain un peu déçue évidemment, pas si surprise, et une fois de plus confortée dans l’idée qu’il suffirait de peu pour que ces familles sortent de l’illégalité qu’on leur fabrique, reproche et entretient en même temps. Un statut pour les biffins. Un formulaire administratif. Quelques mots. Un oui.
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