Hier, soirée au Monte en L’air autour du dernier opus de la trilogie Des îles (dont j’ai rendu compte ICI), en présence de l’autrice Marie Cosnay. Questions fines, sensibles et affûtées de Jeanne Bacharach. L’expression écriture agissante, suggérée par l’éditeur Benoît Laureau (dans un entretien à lire ICI), est proposée à l’autrice pour qualifier son travail et fait question. J’aime cette idée d’écriture agissante. Marie écrit en agissant, l’écriture de Marie agit, elle est un acte, elle est action. Ses textes contiennent ce que Marie fait, auprès des étrangers et étrangères ayant quitté leur pays pour un voyage risqué vers l’Europe, ceux et celles qui arrivent, ceux et celles qui n’arrivent pas, les corps retrouvés ou absents, mais aussi ce que font d’autres personnes dont la liste est donnée au début de chaque livre, impliquées diversement dans ces histoires infinies que génèrent le voyage interdit, empêché, criminalisé. Et ces textes agissent, en tant que livres saisis, lus, incorporés par des lecteurs et lectrices tenues éloignées de la réalité de ce crime de masse par des politiques réfractaires à l’accueil, par des médias qui ne font plus le travail d’enquête. Marie n’écrit pas un documentaire mais fait oeuvre de littérature au sens noble du mot, littérature sans fiction, ce qui donne à ses textes cette puissance agissante supérieure pourvu qu’on accepte de les ouvrir, de s’y plonger, de laisser les mots de Marie agir sur soi. Comme de tous les grands textes, on ne sort pas de la lecture de Des Îles comme on y est entré. L’écriture agissante de Marie Cosnay nous transforme, nous éveille, nous encolère, agit sur ce qui en nous se révolte quand les pouvoirs étatiques attentent de manière consciente et organisée à l’humanité.
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