Ce que font ces femmes, Judith Godrèche avec d’autres, ébranlant le système au plus emblématique lieu du vedettariat, stars, paillettes et magie magicienne, ce que font ces femmes en disant, ne pourra être défait. Elles disent sur quoi repose ce qui n’a pas de lien avec la création artistique, l’industrie du cinéma repose sur la prédation, sur l’exploitation sexuelle d’adolescentes. Le capitalisme, dans toutes ses déclinaisons, est un système de prédation, d’accaparement, d’exploitation, de destruction de “chair fraîche”, jusque dans les familles. Les femmes du cinéma parlent des violences, des agressions sexuelles que leur ont infligé des hommes de pouvoir dans ce milieu très fermé où tout le monde sait tout mais en riait avant, mais baisse le nez maintenant. Nous avons toutes eu 13 ans. Une après-midi, j’accompagnais mes parents en visite chez de vagues relations, je me revois dans un salon empli de trois ou quatre couples bourgeois qui m’étaient insupportables. Je n’étais pas bien, je n’avais pas envie d’être là, parmi ces hommes de quarante ans passés occupant l’espace de leurs corps, de leurs voix sonores, de leurs rires, de leurs verres de whisky. Je devais faire la tête parce qu’un de ces hommes me dévisage et fait une réflexion. Ma mère excuse mon attitude renfrognée, explique que je ne me sens pas bien aujourd’hui. C’est la maladie des jeunes filles, rétorque le type en riant et les autres rient aussi. Je me demande ce que c’est la maladie des jeunes filles. Je crois qu’il fait allusion aux règles, parce qu’elles me rendent malades et m’obnubilent à cause de la souffrance tous les mois. Mais les règles ne sont pas une maladie et ne touchent pas que les “jeunes filles”. Alors quoi d’autre? J’avais 13 ans. Ce type plus vieux que mon père, son rire gras, son ventre, son verre d’alcool, sa clope et sa grosse main qu’il n’avait qu’à tendre pour attraper ce qui passait à sa portée, sa secrétaire sans doute, moi probablement en d’autres circonstances pour me guérir de la maladie des jeunes filles. Quel soulagement, cette certitude qu’on ne reviendra pas en arrière mais il ne faut pas lâcher, rien lâcher, montrer aux porcs que quand ils tendent leur grosse main, les filles, les femmes mordent.

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