Je relis ce matin la note de lecture que j’avais écrite sur ce texte de Musil, De la bêtise, pour y trouver la réponse à une question qui me taraude souvent : comment un personnel politique et dirigeant, anciens élèves des plus grandes écoles ou arrivistes brillants de la promotion interne aux partis, peut-il se montrer si obstinément obtus, d’une bêtise à manger du foin? À la veille de la catastrophe nazie, Musil pointe la bêtise des intelligents, abdiquant devant les tâches qui ne leur conviennent pas, bêtise qui se traduit par « une disharmonie entre les partis pris du sentiment et un entendement incapable de les modérer .» C’est cela, cette intelligence de classe, très formatée, inapte à saisir les évolutions du présent, se réfugiant dans une politique autoritaire qu’elle impose par la force, espérant ainsi contraindre le réel à se conformer à ses attentes. On voit jusqu’à quels crimes cette forme de bêtise peut conduire, notamment quand la séparation des pouvoirs n’est plus qu’un mot. Le ministre de l’Intérieur ordonne l’expulsion d’un étranger, l’étranger est expulsé dans la journée sans qu’on comprenne très bien comment la justice est intervenue dans le processus, si même elle a été interrogée. La nouvelle loi le permet, paraît-il. Et le ministre de s’en vanter dans les gazettes comme d’un acte héroïque. La haine, la vanité, le virilisme comme moteur de l’action politique, c’est non seulement détestable mais idiot, ça ne tient pas dans le temps, ça se retourne, on le sait, comme un boomerang, reçu en pleine tête.

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Thème : Overlay par Kaira.