Bourdieu me manque. Pour apaiser un peu la nostalgie, j’ai relu d’une traite Esquisse pour une auto-analyse, ma première lecture est vieille de vingt ans. Quand je dis Bourdieu me manque, qu’est-ce qui me manque? La rigueur dans l’analyse et la clarté de l’expression, l’honnêteté intellectuelle, la méfiance envers les médias, la confiance dans le travail collectif, la vraie curiosité pour autrui. Mais il me suffit d’ouvrir un de ses livres pour retrouver cela. Me manque quoi? La jeunesse évidemment, mes années d’étudiante, deux années à l’EHESS chez Boltanski où il s’agissait pour beaucoup de rompre avec la sociologie critique, sinon d’oublier Bourdieu, d’aller voir ailleurs. Pour des raisons diverses, je suis allée voir ailleurs que là où s’engageait la sociologie : dans les collèges de l’académie de Créteil où j’ai traîné mes baskets pendant vingt-cinq ans. Cette Esquisse pour une auto-analyse donne aussitôt l’envie de se prêter à son tour à l’exercice. Pas écrire une autobiographie, mais déplier une trajectoire, avec un regard clinique, pas d’examen de conscience, mais des données qui permettent d’y voir clair dans la brume plus ou moins opaque d’une vie.

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