La bollorisation de la culture avance à grands pas, la nomination d’une ministre, qui sous l’apparence peu trompeuse de la diversité est un produit pur jus du sarkozisme, marque une étape de plus; privé, public plus de cloisons même poreuses, des flux charriant une seule idéologie. Bolloré ne se montre pas masqué, nous savons que l’argent l’intéresse sans doute, mais aussi pour ce qu’il autorise: le pouvoir d’imposer dans les milieux que son groupe finance, s’approprie, gouverne, son combat civilisationnel pour un ordre moral version catho intégriste dont on entend les échos jusque dans les propos du président de la République. Bolloré donne le ton avec ses médias et son groupe éditorial, il impose ses faux sujets, ses fausses vérités, ses faux débats. Ces derniers jours enfle une “polémique” : c’est un barde multiprimé et millionnaire, écrivain voyageur et réactionnaire assumé, que le Printemps des Poètes s’est choisi pour parrain cette année. Je ne sais quels sont les liens entre Sylvain Tesson, auteur Gallimard, et Vincent Bolloré, mais leur compatibilité idéologique saute aux yeux. Des auteurices se sont élevéEs contre un tel parrainage, se sont fait aussitôt taper sur le bec par les chiens et chiennes de garde défendant la liberté d’expression et de création d’un auteur de best seller, omniprésent dans les médias. Hier, c’est le ministre de l’économie qui a volé à la rescousse de la pauvre victime d’une “exclusion sectaire” dont le dernier titre est en tête des ventes. Que faire alors? Refuser de participer aux événements du Printemps des poètes, manifestation soutenue par le ministère de la culture, le CNL, le ministère de l’éducation nationale? Renoncer à la visibilité, aux subventions, aux revenus afférents? Quand la valeur des œuvres se calcule à l’aune du vedettariat, choisir la clandestinité?
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