Une scène où j’ai gardé le silence quand j’aurais dû parler. Du théâtre oui puisqu’il s’agissait d’un conseil de classe dans lequel je figurais en tant qu’adhérente de l’association de parents d’élèves. Théâtre tribunal, jeu de dupes où se joue le destin de celleux qui n’y ont pas d’avocat. C’était ma première participation à la traditionnelle comédie dans ce rôle: des conseils de classes, j’en avais déjà vécu beaucoup, mais comme prof. La cheffe d’établissement aborde des problèmes généraux parmi lesquels ces agaçants retards de certains et certaines élèves, le matin. Elle a compté, calculé des pourcentages, des évolutions. La cheffe énonce une liste de sanctions. Quant à la cause, elle est trouvée : les familles monoparentales, comprenez les mères. Les mamans solos n’arrivent pas à imposer l’assiduité, la ponctualité à leurs enfants en manque d’autorité. C’était il y a douze ans, dans un collège public d’une commune bourgeoise de banlieue parisienne, établissement que fuyaient les bonnes familles de la ville pour un privé mieux fréquenté. J’élevais seule mes fils depuis six ans. L’aîné n’était jamais en retard mais pas exempt de faire des conneries dans ce bahut qu’il détestait. J’ai regardé ceux et celles qui étaient assises autour de la grande table de réunion : personne n’a bronché, l’assemblée semblait d’accord avec la cheffe. J’ai encaissé le coup, me suis tue. Je lis ce matin dans un compte-rendu de son bavardage d’hier, que le chef de l’état a trouvé la cause des “émeutes” : les familles monoparentales, comprenez les mères.

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