Nous les regarderions s’éloigner, seuls et seules mais ensemble sur l’île qui les emporte, ensemble comme individus nés et grandis aux mêmes berceaux dorés, aux écoles privées, ensemble presque du même sang celui que l’argent distingue, nous les regarderions s’éloigner, une poignée d’hommes et de femmes qui se connaissent, font affaires, se marient dans l’entre-soi, nous les regarderions dériver sur l’île aux privilégiéEs, se séparant du continent de plus en plus vite, avec soulagement nous les regarderions s’éloigner vers le large, toustes ensembles, ne sont pas si nombreux, sur l’île bien délimitée, entourée de barbelés, de frontières infranchissables, nous ne les regarderions pas, dos tournés, car nous avons nos occupations, nos amitiés, nos amours, autre chose et de plus belles où accrocher coeur, corps, esprit, un matin l’air plus léger, le chant plus clair des oiseaux, les visages illuminés par de plus brillants regards, les épaules droites, la démarche assurée, les embrassades longues parce que leurs semelles ne pèseraient plus sur nos échines, nous nous regarderions enfin libéréEs de l’oppression, de l’exploitation, nous nous regarderions, les unEs, les autres, nous souriant, nous parlant, nous félicitant d’avoir cessé de leur obéir, ça n’était pas si difficile à prononcer le mot non.

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