Mes parents ont vendu la maison de campagne qu’ils avaient faite construire il y a plus de quarante ans. Ils ont distribué, à leurs filles, à leurs proches, à qui en voulait, les meubles, les objets qu’ils ne pouvaient pas emporter. Mais il en subsistait quelques uns qu’un brocanteur est venu chercher assisté d’un professionnel du débarras. Le brocanteur prélève ce qu’il pense pouvoir revendre, le reste part à la décharge. C’est ainsi que sous les yeux de mes parents désolés, ont été détruits à la hache des lits encore utilisables, des tables de nuit, des lampes, une armoire en mérisier en parfait état. Le merisier, parait-il, n’est plus à la mode. La brutalité de cette mise à vide d’une maison où l’on a vécu tant de moments heureux, la moitié d’une vie, reflète la brutalité générale du fonctionnement de ce qu’on appelle notre société. Le gars du débarras les a averti que l’opération pouvait être traumatisante, leur a conseillé de partir, de revenir une fois la chose faite. Mes parents ont préféré rester, mais il n’a pas adouci ses procédés pour autant. Quant à la culpabilité d’avoir laissé détruire, par ignorance de ce qui allait arriver, des objets qui aurait été utiles à d’autres, c’est toujours les mêmes qui la portent.
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