Parmi les êtres faits d’une autre manière, à partir d’autres matériaux premiers, selon un autre tissage, il y a celleux qui dorment sans connaître l’insomnie, celleux aussi qui rêvent, se souviennent de leurs rêves. D’aussi loin que l’adolescence au mieux, mes nuits sont des salles d’attentes emplies d’une pénombre oppressante comme coton dans la bouche, ou un tunnel dont l’issue recule au fur et à mesure que les heures n’avancent pas, de ces lieux informes, glauques, que sont les lieux de passage obligés. On ne peut supprimer la nuit, la nuit blanche en est une autre plus pénible encore parce qu’elle ruine les promesses du jour. Nuit occupée d’un sommeil intermittent et de longues plages de veille à ressasser les mêmes mots, dont je sors épuisée par la sensation d’heures gaspillées alors que j’aurais pu me lever et écrire, mais je n’écris qu’au petit matin. Ceux et celles qui s’endorment à peine la tête sur l’oreiller puis ouvrent les yeux sept heures plus tard ne peuvent être que des aliens parfaitement dissimulés. Quasiment aucun souvenir de mes rêves, peut-être une fois ou deux dans une année, des scènes d’angoisse.
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