Nous sommes ailleurs, il n’y a pas de cafetière, pas même une simple italienne que nous avons l’habitude d’utiliser chez nous. Nous buvons du nescafé. Je trouve dans un placard une vieille cafetière électrique, je la nettoie, elle sent le plastique, impossible d’avaler quoique ce soit ayant passé par cet objet toxique. Je nous imagine (mal) boire du nescafé toute la semaine. Soudain, j’attrape une casserole, fait bouillir de l’eau, y jette trois cuillères de café moulu, remue. Nous attendons un peu puis nous nous versons, en filtrant plus ou moins, deux très bons cafés qui sauvent la journée. La maman d’Andréa, quand elle part chiner, rapporte parfois une cafetière, une italienne semblable à la mienne que des gens ont jeté alors qu’elle fonctionne encore. Mais le plus souvent, la maman d’Andréa fait le café sans autre ustensile qu’une casserole. Depuis sept ans que nous nous connaissons, combien de fois ai-je vu la maman d’Andréa préparer le café ainsi? Une centaine de fois, au moins. Pourtant il m’aura fallu explorer toutes les fausses pistes des gadjé, y compris le recours à cette horreur de nescafé, avant que la solution facile, évidente, la solution pratique d’une femme rrom, perce enfin le mur de mon habitus. Au contact de la maman d’Andréa, de son altérité, j’ai été altérée. Mais cette anecdote me fait prendre conscience du travail qui se fait en moi pour effacer cette altération. Pour redevenir pleinement moi-même, une gadji, je dois réapprendre l’incapacité à se faire un café sans la médiation d’un objet technique compliqué, couteux et polluant.
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