C’est dur la vie, c’est vraiment dur la vie m’a dit le père assis devant la cabane familiale, il m’attendait pour que je l’aide à remplir sa déclaration de ressources trimestrielles. Nous avons tapoté sur son téléphone passant du site pôle emploi à celui de la CAF pour éviter toute erreur. Si peu d’allocations chômage, rien de la CAF qui persiste à inventer des dettes qu’il faut rembourser avec les allocations ridicules, jamais versées donc. C’est dur la vie, oui. J’avais dit que j’arrêtais que je ne voulais plus m’occuper de ça, les paperasses, les démarches à se taper la tête contre les murs. Je file juste un coup de main en passant. Je remarque que les deux petites caravanes ont été repeintes avec le même pot de peinture gris bleu, elles se fondent dans le paysage dans l’angle du terrain. Les mômes en sortent et y rentrent indéfiniment, iels jouent. Tout de suite le fils me sert de l’eau fraîche, les grandes courent au magasin acheter une bouteille d’oasis. Les parents me demandent de manger, la mère apporte les ailes de poulet aux légumes, pose le plat sur la table dehors. Je lui dis qu’il est très beau, son plat, et c’est si vrai mais j’ai déjà mangé et ça aussi c’est vrai. Combien seront-ils à se satisfaire de ce plat pour la journée? Je suis venue jeter un œil au commandement à quitter les lieux apporté par un employé de l’huissier, la date butoir est remplie à la main : 11 septembre 2023. Le père me raconte qu’il a protesté parce qu’en allant retirer le jugement l’autre jour à l’étude, la femme qui le lui a donné a fait semblant de le lire et lui a dit que la famille devait quitter le terrain tout de suite, immédiatement, dès demain. Parce qu’en plus de mettre les Rroms dehors, toujours à la rue, la secrétaire de l’huissier pense qu’elle est autorisée à leur raconter n’importe quoi, leur mentir, les prendre pour des enfants et pour des cons. On peut tout leur faire aux Rroms, les tromper, les effrayer puisque le seul objectif c’est de les pousser à partir.