L’argument du cas isolé, de l’exception, du mouton noir, ne prend pas sur les populations qui jour après jour éprouvent ce que la violence de l’état, du capitalisme et de leur bras armé, la police, a de systémique. Non, le meurtre de Nahel n’est pas un cas isolé, on le sait, il est, avec d’autres, plus de douze en 2022, la conséquence d’une politique répressive et raciste assumée depuis des années. Mais l’argument n’est pas destiné aux quartiers populaires. Il est pour cette partie d’entre nous tellement attachée à son calme, son confort, ses habitudes, qu’elle est prête à gober tous les bobards pourvu qu’ils aillent dans le sens du dormez brave gens la police veille. Lutte des classes bien sûr, mais pas seulement. Les électeurs et électrices de l’extrême droite ne sont pas uniquement des bourgeois. Les gilets jaunes, les manifestations contre la casse des retraites : extension du domaine des violences policières à celleux qui s’en croyaient protégés. S’en trouve réduite la partie d’entre nous qui se laisse convaincre par les arguments du ministre de l’intérieur. Mais il y a la peur. La peur des émeutes, la peur de l’instabilité, de l’inconnu. Il paraît qu’à Montreuil le quartier de la Noue s’est enflammé. J’ai enseigné pendant dix ans dans ce quartier. Je pense à mes anciens et anciennes élèves, leurs familles. Je me souviens d’un matin où, agacée par une classe apathique, je leur demande ce qui se passe. Une élève me raconte qu’iels sont fatiguéEs, iels n’avaient pas dormi à cause d’une descente de flics en pleine nuit qui a réveillé toute la cité… Iels ne doivent pas dormir beaucoup en ce moment. Nahel aurait pu être l’un d’entre elleux, c’est un frère.
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