Vient ce moment dans la vie d’une femme (moi), où le rôle de mère patiemment endossé pendant près de vingt-cinq ans, te sort d’un coup par les yeux, les narines, tous les pores de ta peau, tu ne le supportes plus, tu l’exècres, tu le vomis. Non pas que tu n’aimes plus tes enfants, non tu les aimes pour toujours indéfectiblement, ils sont des parties de toi-même. Mais ce que tu en attends, parce qu’ils sont “grands”, ce sont des relations d’adultes, d’égal à égal, tu ne supportes plus la dépendance que l’un ou l’autre, l’un surtout, l’un d’une manière envahissante, coloniale, manifeste à ton égard, jusqu’à l’abomination. Le soutenir, l’aider, oui. Mais ce truc-là collant, épuisant, infini, qui m’empêche d’avoir mon corps et ma pensée pleinement à moi, m’interrompt sans cesse dans mon travail, m’obscurcit toute vision sur l’avenir même très proche, ce truc de l’enfant malade qui replonge dès que tu tournes le dos mais en profitant tout de même du confort familial, ça n’est plus possible, c’est au-dessus de mes forces. En septembre sortira mon septième titre, la partie émergé de l’iceberg d’écriture que chaque jour épaissit, et je ne sais pas comment j’ai réussi à faire ça tant depuis des années le compagnon violent d’abord, les enfants petits qu’il faut élever seule ensuite et le fils malade aujourd’hui, interfèrent en temps confisqué, en chair mangée, en dévoration de la mère qui doit toujours et encore payer d’avoir désiré être mère, éternelle coupable.
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