C’est insaisissable ce qui livre certaines d’entre nous, dès le jeune âge, à une sorte de combat permanent contre l’état du monde, à une inquiétude sans trêve. Bien sûr, il y a le contexte familial, mais l’engagement des parents n’explique pas tout. Pourquoi ça nous tombe dessus, une minorité je crois, tandis qu’autour c’est l’indifférence ou, plus souvent, cette forme de conscience assourdie de celles qui sentent bien que quelque chose cloche et ne s’en contentent pas mais parviennent malgré tout à profiter du monde tel qu’il est, et de leur vie. J’ai lu il y a longtemps cette même interrogation dans un texte autobiographique d’Italo Calvino dont je n’ai pas trouvé de traduction française, où l’auteur s’interroge sur son aversion adolescente immédiate pour le fascisme dans lequel baignaient joyeusement ses proches, parents et copains. Il se demande pourquoi, lui, voyait et comprenait différemment. Cette inquiétude, au sens étymologique d’absence de repos, je l’ai sans doute transmise à mes fils qui l’un comme l’autre, chacun à leur manière, se battent et se débattent contre cet état du monde profondément insatisfaisant, jusqu’à pour l’un s’en rendre malade et pour l’autre se retrouver sous les matraques des flics. J’espère qu’ils connaîtront aussi la joie de l’apaisement.
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