Je prépare un article sur l’histoire d’un livre, celui du résistant Ivan Denys paru aux éditions Signes et Balises sous le titre Lycéen résistant. Pour ce faire l’éditrice m’a confié des enregistrements de ses séances de travail sur le texte avec l’auteur. J’écoute le vieil homme, sa voix claire aux intonations particulières à sa génération, se souvenir du jour de la manifestation du 11 novembre, jour de la célébration de la victoire sur l’Allemagne à l’issue de la Première Guerre mondiale, interdite bien évidemment dans la France collaborationniste de 1940, dans Paris occupé par les nazis. Ivan Denys se souvient de l’excitation ressentie par les élèves (il avait treize ans) et les étudiants parisiens bien décidés à aller manifester à l’Etoile autour de la tombe du soldat inconnu, à braver l’interdiction malgré les dangers. Il dit : l’idée d’une manifestation c’est excitant alors que l’on sent que l’on est sous l’oppression. Il dit que cette chappe de plomb, l’occupation, fait qu’on ne peut pas ne pas aller manifester. Autres temps, autre contexte, mais c’est précisément ce genre d’excitation que je ressens émaner des jeunes qui manifestent aujourd’hui contre ce gouvernement, au risque d’être matraqués, interpellés, mutilés. Excitation qu’il ne faut pas confondre avec l’agitation désordonnée et simplement provocatrice qu’on attribue souvent à la jeunesse, mais qui est un sentiment fort et profond d’indignation contre l’oppression, une volonté essentielle et obstinée de résistance.
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