Je suis écrivaine, censée, selon l’idée commune, avoir de l’imagination. Imaginer serait mon métier. Eh bien, non. Je reconnais humblement que mes capacités d’empathie et d’invention sont limitées, elles s’arrêtent à des personnages comme Bernard Arnault. Impossible de me mettre à sa place, d’investir sa psyché, de me faire une image de ce que sont ses journées de milliardaire, de comment il pense le monde et les gens. Il est vrai que je n’ai pas essayé, ma limite est peut-être en moi-même, dans ce dégoût que les profiteurs m’inspirent, ces champions de l’appropriation des ressources et des chairs, ravis d’être les plus riches d’un monde construit sur les inégalités qui les enrichissent toujours plus tandis que tous les jours dix mille enfants meurent de la faim. Je sais que, si je devais écrire sur un tel personnage, et combien même j’y mettrais tout le cynisme, la cruauté calculatrice, l’indifférence, l’impudeur qu’il me serait possible d’y mettre, je serais mille fois en-dessous de la réalité.
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