Quand le soleil glisse par-dessus les toits des maisons d’en face, illumine le bureau et vient me chauffer le dos, je ne crois plus au désastre. Ce miracle à lieu ces jours-ci vers sept heures et demi. Il efface pour un temps les nuages qui noircissent au dessus du pays politique, les problèmes autour de moi, chasse l’angoisse qui est notre air ordinaire ici en région parisienne. Soleil de printemps, voilà la vie. Je suis plongée dans la relecture de Ceija Stojka, me dis que le soleil se levait aussi sur le camp de Bergen-Belsen. J’ouvre le livre au hasard, sur la page où les déportées regardent le ciel parce qu’un avion de guerre le traverse et lâche une bombe. Mais une Hongroise leur dit d’attendre, si la bombe tourne, ça n’en est pas une mais un message des alliés qui leur est destiné. L’engin se met à tourner, tombe à l’extérieur, du côté des quartiers des nazis. “Mais une des Biélorusses est arrivée chez nous avec un petit bout de papier dans son plombage et l’a lu aux femmes : Soyez forts! Tenez le coup! Il y avait marqué. Puis elle a pris le bout de papier et l’a avalé.”
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