Je viens de voir et lire dans la semaine trois œuvres qui évoquent l’hôpital psychiatrique dans la deuxième moitié du XXe siècle. Le beau film de Jane Campion, Un Ange à ma table d’après l’autobiographie de la poétesse Janet Frame diagnostiquée à tort schizophrène et internée huit ans, le roman de Sylvia Plath, duquel on sort durablement impressionnée et laminée, La Cloche de détresse et hier soir ce film en noir et blanc de Georges Franju, La Tête contre les murs dans lequel le fils d’un avocat violent et sans morale est interné à la demande de son père dans un asile psychiatrique dirigé par un médecin répressif s’étant donné pour mission non pas de soigner quiconque mais de protéger la société. Ces jeunes gens, dont deux femmes, déclaréEs malades subissent des traitements invraisemblables, notamment des électrochocs, dont on voit mal comment il serait possible d’y survivre sans effectivement tomber malade. Cet impératif pour la reproduction sociale de trier les personnes sensibles, surtout quand elles sont des femmes, les considérer comme malades et les enfermer, nous n’en sommes pas sorties malgré les progrès éventuels de la psychiatrie. Le tri est partout, et l’enfermement se fait sous des formes diverses. Une année, j’ai été prof principale d’une classe de troisième et à ce titre j’ai eu la responsabilité d’accompagner les élèves dans leur orientation, épineuse pour ceux et celles les plus scolairement et/ou socialement fragiles. Je me souviens particulièrement du regard perdu d’une élève mise en demeure de décider de son orientation professionnelle à 14 ans, de son père désarmé devant la machine scolaire, et du choix imposé qui s’est finalement refermée sur elle comme sur de nombreuses filles racisées des classes populaires, en difficulté scolaire : le soin à la personne. Enfermée à 14 ans dans une orientation scolaire avant d’être enfermée toute sa vie professionnelle dans une maison de retraite. Les années suivantes je me suis débrouillée pour échapper à ce rôle que je ne voulais pas jouer. Mais c’est une fuite, c’est se sauver du Titanic en sautant la première dans le canot de sauvetage.

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