Vendredi et samedi soir, vie normale et agréable grâce aux éditions indépendantes Le Ver à soie, qui fêtent jusqu’à dimanche leurs dix ans. Pas entièrement coupée des événements, comment l’être? Dans le quartier Couronnes, que les touristes laissent aller son train, les déchets qui ne sont pas collectés jonchent les trottoirs sous le regard décidé des figures peintes célébrant le peuple communard. Vive la Commune, en effet, et les éboueurs grévistes. Mais une fois rue de la mare, on entre dans la boutique, on referme la porte et c’est le monde comme on voudrait qu’il soit. Des amiEs, des amiEs d’amiEs, des passantEs réunies autour des publications du Ver à Soie. Les couvertures colorées sont mises en valeur par les murs blancs. On juge du travail accompli en dix années d’une réussite avec beaucoup de galères dedans. Mais c’est sous les yeux de toustes: le catalogue densifié, d’une cohérence évidente se traduit aussi par une belle entente entre auteurices. Hier, émouvante lecture publique d’extraits de Mamou, premier titre publié par la maison, avec Bertrand et Isabelle au texte et Rémi à la contrebasse. L’horreur du dehors se faufile à l’intérieur de cet oasis sous la forme d’une discussion entre autrices, qui publiée par l’édition indé, qui publiée par une marque du groupe Bolloré. Comment supporter la distorsion de valeurs, le management brutal imposé par le groupe sur ses marques, le fait d’être, en tant qu’autrice, considérée comme un paquet de lessive plus ou moins rentable? Dans ce moment où tout est ébranlé, où l’on voit bien que les luttes sociales ne sont pas seulement une question de calcul des retraites mais de choix d’organisation globale de la société, se faire éditer par le groupe Bolloré me parait un non-sens. Avec les copines, nous nous félicitons à voix basse de travailler avec des maisons indépendantes. Nous vendons moins, peut-être, mais au moins nous ne nourrissons pas l’ennemi.

Suivre
Thème : Overlay par Kaira.