Hier nuit, discussion avec le fils peintre dans l’atelier vaguement éclairé par le lampadaire de l’allée, avec le froid qui s’est réinstallé comme chez lui. Il ne veut pas venir dormir à la maison. Me dit que j’ai toujours voulu sauver des gens, avec plus ou moins de succès. Sauver, je réponds non c’est du vocabulaire religieux, ça n’est pas ça, je préfère la solidarité. Est-ce que j’ai voulu sauver des gens? Non. Ce matin je me dis qu’il s’agit plutôt de compenser des injustices. Injustice de la maltraitance administrative, policière, des étrangers et étrangères, injustices de la pauvreté, des discriminations, des barrières dressées devant l’accès aux droits. Puisque ce monde ne va pas comme je pense juste qu’il aille, j’agis un peu dans le sens de la justice, c’est-à-dire de l’égalité. Finalement, la seule personne que j’essaie de “sauver”, c’est lui, mon fils que la maladie met chaque jour en danger, qui se met lui-même en danger. Pour se punir de quoi? Payer quelle dette? Ne peut pas répondre, assis en tailleur sur le vieux canapé au milieu de ses toiles. Ecrasé par une peur dont il ne sait pas la cause, il est terrifié. Il me dit: boire pour anesthésier ma sensibilité. Je regarde ses tableaux à la lumière de mon téléphone qui sont plus beaux encore surgis du noir. Ses peurs, sa sensibilité, sont bien sûr le cœur de son travail, qui quelquefois le submergent. Il écrit aussi. Le sauveur ne pourra être que son art.
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