Parmi les questions que le cheminement de plusieurs années aux côtés de quelques familles roms m’a conduite à me poser, celle taraudante de la représentation de soi en “aidante”. Il y a dans les textes mais sans doute plus manifestement dans les photographies une sorte de mise en scène de soi qui m’apparaît aujourd’hui problématique quelles que soient les bonnes intentions au départ. Il faut, je crois, nous méfier de ce colon que nous portons en nous, et qui est d’autant plus vicieux et retors qu’on le croit sinon éradiqué du moins profondément endormi. Il faut nous méfier de notre goût pour l’exotisme et la marginalité des autres. La question est complexe et épineuse, parce que les images sont utiles pour agir sur les stéréotypes, changer les représentations. Parce que si le fait de me représenter en “belle personne” proche des pauvres gens et des discriminés me gêne aujourd’hui, c’est que je porte en moi aussi cet impératif moral transmis par la culture chrétienne qu’on ne doit pas faire étalage de ses bonnes actions (je n’aime pas non plus sentir cela en moi). En fait, je trouverais juste que toute cette question de la représentation de soi que ce soit dans les difficultés, dans la lutte, ou dans les relations d’amitié soit le fait des familles roms elles-mêmes, productrice et utilisatrices de leurs propres images sur lesquelles ma présence ne me questionnerait plus. Elles ne s’en soucient pas.
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