Je rencontre quelquefois des éditeurs et éditrices à l’origine de la création de maisons d’édition indépendantes qui le sont restées à travers le temps. L’occasion d’un regard rétrospectif trente ou quarante ans en arrière, et de récits de souvenirs où dominent l’énergie, l’inventivité, les possibilités multiples, l’esprit collectif, une plus grande liberté. Bien sûr ils et elles avaient vingt ans, c’est le tableau de leur jeunesse qu’ils se figurent et me donnent à voir. Difficile de s’imaginer que les jeunes d’aujourd’hui feront une description aussi positive de cette époque dans quarante ans, sauf à cauchemarder une aggravation importante de la situation globale, dégradation à laquelle travaille sans relâche le système capitaliste: ils et elles se remémoreront des années moins pire. Demeure la possibilité de la rupture, que d’un coup ça cède, ça s’ouvre à autre chose; on sent que c’est tout près ce renversement, comme on touche du bout des doigts l’objet désiré dans un recoin inaccessible, sans lumière.
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