Un trimestre bientôt, sans élèves. J’habite pas loin d’un collège, des collégiens et collégiennes circulent dans le quartier que je regarde passer du coin de l’œil. Sentiments mêlés: soulagement de ne plus passer mes journées dans ce grand bain de tension nerveuse qu’est une classe, culpabilité d’avoir abandonné le navire, manque malgré tout de ces relations humaines avec les adolescentEs, incomparables. Regard d’experte : je ne vois pas un groupe de garçons ou de filles déambuler sur les trottoirs en faisant un maximum de bruit, mais des sixièmes, des quatrièmes, à leur taille, leur allure, leur comportement. Ces jeunes insaisissables à l’âge des transformations, pas facile d’en parler avec justesse sans les caricaturer ni les idéaliser. Ce que réussit Patrice Luchet dans sa série de nouvelles-poèmes “Tout un peuple”. Lu hier soir le dernier opus, Il arrive quand le stagiaire? où l’on suit Ayman sur son trajet pour se rendre à son stage d’observation. Il y a la ville, quartier populaire en chantier, les copains et copines croisées, les questionnements, les doutes. L’auteur restitue bien ce flottement des élèves de troisième au moment où la vie adulte commence à se présenter à eux alors qu’ils ne sont pas prêts, sous la forme monstrueuse du “choix” d’orientation. Cette espèce de légèreté inquiète, d’acceptation de ce qui leur est demandé mais sans adhésion, de jonglerie entre les envies et les possibles, les espoirs des parents et l’implacable tri. Et en plus on tombe amoureux. (Editions L’Ire des marges)

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