J’ai peu de souvenirs du collège où je ne me sentais pas à l’aise. Mais l’odeur de plastique, de poussière, de désinfectant, du vernis qui recouvre les espaliers, de la corde à nœuds, l’odeur poudreuse d’un gymnase me ramène au collège. Nous longions les tapis de sol pour nous rendre en cours d’anglais, dans l’une des salles préfabriquées qui faisaient face à l’infirmerie. Il fallait aussi passer par le gymnase pour accéder à l’atelier où le professeur de travaux manuels nous apprenait à utiliser une fraiseuse, une scie à ruban, une ponceuse électrique, outillage qu’on ne s’aviserait plus aujourd’hui de laisser entre les mains des adolescentEs. Dans ce gymnase je ne faisais pas grand chose, ma faible capacité ajoutée à un désintérêt total pour le sport enseigné à coups de sifflet me conduisaient à observer les autres se fatiguer autour de moi. Il y avait parmi nous une élève grande très sportive, se jouant de toutes les consignes qui s’abattaient sur nous dans le gymnase. Elle s’habillait toujours en survêtement ce qui n’était pas habituel à l’époque. Nous n’étions pas proches pourtant je ne l’ai pas oubliée. Sa distance un peu triste, sa solitude, sa manière d’être parmi nous sans y être vraiment, ce que nous percevions comme une étrangeté qui lui était particulière, se rapportait sans doute à une dysphorie de genre. Je crois qu’elle souffrait en silence tandis que nous étions bien loin de comprendre ce qui se passait sous nous yeux chaque jour, ni de savoir comment nous aurions pu l’aider.
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