Soudain, regardant Les Années super 8, le beau film d’Annie Ernaux et de son fils David, me retrouver projetée dans mon propre passé. Pas une expérience rare, cette communauté des souvenirs travaillé par Ernaux dans ses textes, mais nous avons une génération de décalage et jamais je ne me suis sentie avec elle de cette manière là, partage d’un même lieu dans les mêmes années. Cette manière là, c’est-à-dire la superficialité d’une coïncidence qui m’envoie d’un coup trente-cinq ans en arrière. Ces photos très ordinaires prises par le mari: celles de la vue sur les Alpes à La Clusaz photographiée d’un des balcons d’un immeuble récent étalé en bordure de la ville, parement de planches sombres d’un bois rugueux dont j’ai gardé en moi l’odeur du vernis chauffé au soleil. Petits appartements pour vacanciers, en multipropriété. On achetait des semaines, une l’hiver, deux l’été. La photo du mur de montagnes prise du balcon de l’appartement, je l’aimais, comme le son des cloches accrochées au cou du bétail, qu’on entendait teinter de loin, moins les cris des choucas qui se posaient en agrippant la rambarde avec leurs serres, énormes oiseaux noirs, effrayants. Me reviennent les cartes postales. Longues marches d’été. Fontaines fraîches dans les villages. Parfums de foin de pâturages. Une part de tarte aux myrtilles délicieusement tiède.

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