Je serais en grève aujourd’hui, si pas en pause de boulot pour un an. En fait je travaille puisque j’écris chaque jour, mais comme beaucoup j’ai incorporé cette idée que le seul travail est celui qui rapporte salaire, le prix du sel au prix de la vie. La société n’a que faire de mes textes, il y en a déjà trop à goinfrer le pilon, mais elle a besoin de profs dans les classes, pas tant pour que les élèves apprennent quelque chose: besoin de faire garder les enfants pour que leur parents puissent eux aussi aller gagner le prix de leur sel au prix de leur sang. Ça tourne, cette forme de violence par le travail aussi subi que la sobriété qu’impose les bas salaires. Alors que je veuille écrire on s’en tamponne va plutôt bosser. Ah non, c’est la grève. Il y a des boulots incroyables, on peut être payé pour écrire des articles diffamatoires sur tel ou tel, puis on poste ces articles sur les réseaux sociaux ou sur un blog hébergé par Mediapart en vue de ruiner des réputations. Ne sais pas si ça rapporte gros, ni comment ça s’appelle, sans doute “producteur de contenus”, vocabulaire de l’époque. Est-ce que les producteurs de contenus diffamatoires sont en grève aujourd’hui? Ah non, ce sont les forces vives de la nation.
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