Hier soir, lisant les très beaux poèmes de Claude Favre publiés récemment chez LansKine, deux images me sont venues en surimpression sur la page. Deux souvenirs de Ceija Stojka sans doute à Auschwitz. Ceija était une enfant déportée avec sa famille parce qu’elle était rom. Les tsiganes internéEs par les nazis au camp de concentration, on le sait, étaient abandonnés à la faim, au froid, à l’absence de soin, aux maladies. Deux images, donc, celle de la fillette grattant pour s’en nourrir l’écorce déjà rongée d’un petit arbre poussé juste derrière les barbelés, détachant je crois (je ne vérifie pas, de mémoire) un minuscule bourgeon auquel elle attribuait plus tard sa survie. Autre image, celle de la petite Ceija accroupie, se réchauffant auprès du tas de cadavres en putréfaction, parlant à un mort ou à une autre. La langue de Claude Favre a ce pouvoir de s’ancrer dans le présent des inhumanités tout en faisant resurgir le passé, parce que tout est là vivant d’horreur devant nos yeux qui ne veulent plus voir. Transmission de mémoire incarnée dans les mots, abolissant l’espace et le temps, d’autant plus forte qu’elle se fait par une lignée de femmes.

Suivre
Thème : Overlay par Kaira.