Le plus jeune fils est un garçon sensible et intelligent. Passionné d’histoire, il lit beaucoup. Il a le sens de la justice, de l’équité, un sens moral. Aussi est-ce la consternation quand nous l’entendons défendre le roman national, s’en prendre aux déboulonneurs de statues, fermer son visage, serrer les mâchoires pour retenir Colbert en haut du piédestal. Pas besoin d’être psychanalyste pour comprendre que quand un jeune de dix-huit ans, intelligent et cultivé, met toute sa force dans la défense têtue d’un vieux monarchiste perruqué, c’est qu’il y a quelque chose derrière. J’y vois le père. Déboulonner la statue du père, le faire choir du piédestal. Bien sûr Colbert a fait le Code noir, mais pas que, c’était aussi un grand ministre. Bien sûr le père a maltraité toutes ses femmes, mais pas que, c’est aussi un bon père. Non, ça ne colle pas. Je le regarde abattu sous nos arguments, il soupire: nous ne tenons à rien, nous n’avons pas de valeurs. Il sait que ça n’est pas vrai. Il a besoin du transcendant, mais il n’est pas religieux. Il a besoin que quelque chose de plus grand que lui le porte, il s’accroche aux figures de l’histoire de France, à la fausse monnaie du père. Ne sait pas encore qu’il lui faut déboulonner la statue du père, qu’aucun gouffre ne s’ouvrira sous ses pieds au contraire, la terre en sera affermie, il sera plus fort affranchi. Mais je ne dis rien. Parce que les révélations de cet ordre n’ont aucun effet si elle ne sont pas des révélations que l’on se fait à soi-même.

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