Dans le cauchemar, il y a cette absurdité de se faire pour soi-même son propre film d’horreur, de se réveiller anéantie, épuisée d’angoisse, incapable de retrouver le calme avant des heures à cause d’images que l’on sait fictives mais auxquelles on s’acharne à chercher un sens. J’en fais rarement mais, comme la nuit dernière, le thème presque unique de mes cauchemars est la mort des enfants. Des enfants, qui ne sont pas les miens ni aucun que je connaisse dans la vie éveillée, des enfants seulement familiers dans le rêve, meurent brutalement par accident. Ainsi, mon rêve de cette nuit me présentait une fillette qui sautait par-dessus une rambarde en hauteur, dans un lieu de verre et de structures blanches semblable au Jeu de paume, à Paris. Dans ce musée, Gilles a plusieurs fois photographié ce balcon intérieur duquel on voit la place de la concorde, au loin la tour Eiffel. La mort de la fillette s’ajoutait à celle d’un garçon survenue juste avant mais dont je ne me souviens pas des faits, qui se trouvait être son frère. Curieusement, la mère réagissait à ce double deuil comme si rien ne s’était passé, comme si elle n’avait jamais eu d’enfant, et ce déni me plongeait dans une grande perplexité. Ces derniers mois, j’ai remarqué que le cauchemar vient souvent quand j’ai lu avant le sommeil des articles sur la situation en Ukraine, sur la guerre. Parmi toutes les horreurs vraies du moment, les bateaux de réfugiéEs qui sombrent jour après jour dans l’indifférence du monde depuis tant d’années par exemple, pourquoi est-ce cette guerre-là à laquelle j’attribue la cause de mes cauchemars? L’identification avec la mère ukrainienne, la mère russe, qui voit partir son enfant, volontairement ou par force, au combat dont il ou elle ne reviendra pas me serait-elle plus facile que l’identification à la mère guinéenne dont l’enfant monte sur le bateau surchargé et impraticable lancé sur la Méditerranée? Ces questions aussi me plongent dans une douloureuse perplexité.
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