Dans ce qui nous pousse à aider autrui, du moins à vouloir aider, il n’y a pas seulement notre sens froissé de l’humanité ou de la morale mais aussi quelque chose qui relève du goût de l’ordre. Non pas de l’ordre policier, quoiqu’on n’en est peut-être pas si loin, mais de l’ordre qu’impose le sens de la justice. L’injustice est désordre, un trouble dans l’organisation sociale qui mine la tranquillité de celleux qui n’en sont pas ou pas autant victimes. Accuser autrui d’être responsable de l’injustice qui lui est faite, de la mériter, c’est aussi remettre de l’ordre dans le chaos mais avec la violence de l’ordre bourgeois qui nie toute injustice. Aider est un travail doux malgré les obstacles, ou peut-être grâce aux obstacles qui rendent l’aide plus estimable encore, apporte la satisfaction aux aidants d’agir selon ce qui est juste et bon. D’où le grand désarroi où nous tombons quand celleux que nous voulons aider refusent l’aide ou notre manière d’aider, quand nous prenons conscience que cette aide relève d’un projet qui nous est personnel sans intégrer pleinement l’autre y compris dans son refus d’être aidé qui est finalement un refus de cet ordre auquel nous tenons tant parce qu’il nous justifie.

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